Paru au moment des célébrations du centenaire de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, cet ouvrage soulignait l’ancienneté de la présence musulmane en France et rappelait les refus coloniaux d’appliquer cette loi à l’islam. Cette réédition coïncide avec la célébration du centenaire de la mosquée de Paris où se trouvent rappelés de vieux poncifs.
La nouvelle direction de cet édifice, qui a marqué surtout les annales architecturales, semble ignorer son histoire et se contente d’emprunter à Lyautey le slogan de « la mosquée-hommage aux combattants musulmans de la Grande Guerre », et à Herriot le financement public d’un « Institut » et non de la mosquée. L’histoire réelle nous apprend qu’à la création, en 1895, du « Comité pour une mosquée à Paris », le Sultan-Calife Abdelhamid avait envoyé au président Félix Faure un chèque de 500 000 francs. La loi rapportée par Herriot en 1920 a accordé à la « Société des habous », chargée du projet, un financement de... 500 000 francs. Est-ce un hasard ? La nomination de Gouraud à la tête du « Comité de la mosquée » eut lieu après la détérioration de l’image de la France en terre d’islam provoquée par le bombardement de Damas par l’artillerie lourde de ce général.
La médiatisation de l’inauguration de la mosquée avait elle à voir avec les milliers de morts syriens plus qu’avec les soldats musulmans de la Première Guerre mondiale ? Lyautey, qui a toléré la « mosquée, facile à surveiller », trouvait « dangereux » l’Institut financé par Herriot et l’a saboté au motif qu’il « risquait » d’ouvrir « l’esprit » (sic) des jeunes musulmans. Les intellectuels de la « Fraternité musulmane » de 1907 qui conçurent le projet de cet institut voulaient en faire un haut lieu de la « rupture avec les mœurs algériennes de la France ». Ils furent mis à l’écart au profit d’une bureaucratie plus ou moins religieuse qui semble servir de modèle aux actuels « représentants » de l’islam en France. Ces anticolonialistes ne méritent ils pas d’être célébrés prioritairement ? Et leur théorie sur « l’esprit de modernité dans l’islam » ne doit-elle pas être enseignée dans des instituts dignes de ce nom ? En proposant des réponses à ces questions et à quelques autres, cette réédition aide à mesurer le chemin qui reste à parcourir pour que les relations avec l’islam soient fondées enfin sur la laïcité républicaine. En cette période de célébration des dates de l’histoire coloniale, ces rappels sont aussi un encouragement à remédier à l’absence de l’islam en France du paysage historiographique et à étudier les nouvelles formes de l’usage du religieux à d’autres fins.